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Les Magritte du Cinéma
13e édition - 9 mars 2024

29 février 2024 - 12:01:14

Meilleure réalisation 2024: les nominations

La catégorie Meilleure réalisation fait la part belle aux premières fois cette année, avec la présence de trois cinéastes, Baloji, Emmanuelle Nicot et Zeno Graton, qui présentent leur premier long métrage, tout en consacrant également l’incroyable créativité du duo formé par Ann Sirot et Raphaël Balboni, nominé pour la deuxième fois en trois ans dans cette catégorie.
Augure met en scène la lutte commune de quatre personnages pour se libérer des assignations que leur imposent leurs proches et la société, autant de luttes pour être soi-même, réconcilier leurs identités, faire la paix avec les fantômes. Ces trajectoires sont incarnées notamment par des tableaux fantasmagoriques qui émaillent le récit, forts d’une charge symbolique qui exacerbe les émotions. La troublante beauté visuelle de l’univers déployé par le cinéaste, servie par une direction artistique aussi singulière que spectaculaire entre en dialogue avec le chemin suivi par Koffi, Paco, Tshala et Mujila. Baloji a d’ailleurs reçu le Prix de la Nouvelle voix au Festival de Cannes, ainsi que des prix de la réalisation à Angoulême et aux African Movie Academy Awards.



Si Dalva commence par le drame, convoquant le crime ultime de l’inceste, le film est pourtant une trajectoire de reconstruction, et même d’invention. Dalva tend vers la lumière, et effleure enfin l’insouciance. Emmanuelle Nicot se penche sur l’après, sur la réparation. Ici ce n’est pas tant la parole qui sauve, que la ré-appropriation du corps. Ce corps, c’est aussi celui de Zelda Samson. La direction d’acteur particulièrement fluide de la cinéaste permet à la jeune comédienne de proposer le portrait inoubliable d’une jeune fille qui ouvre une porte vers une nouvelle vie. Une enfant qui se déconditionne pour embrasser une émancipation salvatrice. Le film a multiplié les prix et les sélections, dont le Prix Fipresci à Cannes.


Avec Le Paradis, Zeno Graton fait le choix audacieux et inspiré de précipiter une passion amoureuse au cœur d’un lieu qui pourrait y être hostile, mais où finalement les plus grands obstacles à cette passion revêtent une complexité inattendue. Ce n’est pas tant le monde extérieur – l’institution ou les jeunes co-détenus – qui s’y oppose, que le temps lui-même, l’impossible patience requise pour y laisser libre cours. Alors Joe et William, piégés dans leur IPPJ, vont laisser leurs cœurs et leurs corps s’embraser. Une histoire d’amour et de désir qui offre quelques moments suspendus, lorsque William dessine à l’encre noire, sur les murs ou sur la peau de Joe, quand ce dernier aussi se laisse emporter par la musique magnifique de Bachar Mar-Khalifé. Le Paradis a été montré en première mondiale à la 73e Berlinale.



Avec Le syndrome des amours passées, Ann Sirot et Raphaël Balboni twistent le genre et les codes, s’amusent avec malice à repenser la comédie romantique, en retrouvant un processus créatif qui leur est cher, celui de la contrainte. Contrainte d’un postulat de base fantaisiste (coucher avec d’autres personnes que son partenaire pour réussir à faire famille), contrainte d’un motif esthétique ludique et onirique (les scènes de sexes fantasmées comme de petits tableaux poétiques), contrainte d’une forme rythmée par le montage en jump cut et la frontalité des plans-séquences. C’est un cinéma de parole, qui s’amuse des malentendus et des sous-entendus, mais c’est aussi un cinéma de geste, qui chorégraphie la vie. C’est la deuxième fois que le duo est nominé dans cette catégorie, après Une vie démente en 2022.